Cracher sa valda
« Cracher sa Valda » est une traversée HOULEUSE dans un dialogue de sourdes, imaginée à partir d’une création radiophonique déjà existante de Jeanne Robet, sortie sur ARTE Radio en 2006, “Violent Femmes”. Dans cette performance dansée en solo, une femme revit inlassablement le film d’une conversation marquante. Venue refaire le match, elle tente de puiser les mots bloqués à l’intérieur. Est-ce que ça va sortir ?
Intention
La danse et la radio ont été pour moi deux moyens d’expression très forts. La danse a toujours été une voie(x) pour extérioriser des sensations, des émotions, exprimer des propos. Dans ma vie sociale adolescente, j’ai toujours eu davantage l’habitude d’écouter, d’observer, que de prendre la parole. Le micro m’a appris à parler et à continuer d’apprendre à mieux écouter l’autre. Dans ce solo, il y avait l’envie de s’attaquer aux mots : aux mots qui restent bloqués par l’incapacité de dire, aux mots qui tournent en boucle dans notre tête lorsqu’on est au cœur d’un échange conflictuel, aux mots qu’on répète pour que notre parole, notre demande, soit entendue, les non-dits que la communication non verbale rattrape, par les mouvements du corps, du visage. Il s’agit dans ce solo de mettre en lumière la difficulté de s’exprimer et de se faire entendre.
La danse permet d’évoquer ce que les mots nous font, dans le corps, comment les phrases qui restent produisent du mouvement, afin de s’en émanciper. La danse est un moyen d’exprimer par le corps ce qui n’est pas exprimé par la voix. La danse s’immisce, la danse résonne avec les mots et peut les faire sortir.
J’ai toujours fait de la radio et j’ai toujours dansé. Depuis quelques années, je m’interroge sur les liens que peuvent avoir ces deux expressions. D’un côté, faire exister la grammaire et les mouvements de la danse à la radio est un exercice difficile. De l’autre, danser sur de la radio, des paroles documentaires par exemple, interroge.
Dans mon parcours d’auditrice de radio, une œuvre m’a particulièrement marquée : « Violent Femmes », une création radiophonique de Jeanne Robet, mise en ligne en 2006 sur la plateforme de podcasts ARTE Radio. L’auteure a retrouvé une cassette anonyme dans laquelle une femme enregistre une conversation téléphonique avec sa belle-mère à son insu. Jeanne Robet fragmente et remonte cette trouvaille à partir des mots violents, conflictuels, absurdes et d’interjections répétées. Le résultat final, d’une durée de 4 minutes, donne un matériau très musical, une base idéale pour y glisser une partition dansée. L’idée est alors de vivre ce son, de l’éprouver par le corps, de chercher une nouvelle narration entre les lignes de montage des voix de ces deux femmes. J’ai étudié le potentiel musical des voix, leur prosodie, quels mouvements elles provoquent.
Pour compléter la bande sonore, j’y ai ajouté les musiques répétitives et minimalistes, glaciales et bouillonnantes, de Laurent de Wilde et Ostisto 23, issues de leur album « PC Pieces ». Cet album est un morcellement de matières sonores qui unit les mondes de l’homme et des machines. Se greffe à cela une touche de Luc Ferrari, avec un extrait du morceau “Tu m’écoutes” issu de Photophonie (1975). “Cracher sa Valda” devient une performance dansée à partir d’éléments sonores, une sorte d’hommage à la radio, et ce qu’elle peut recouvrir d’inventif grâce à la création sonore.
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CHORÉGRAPHIÉ ET INTERPRÉTÉ PAR ANOUK EDMONT
SUR UNE CRÉATION SONORE EXISTANTE DE JEANNE ROBET
REGARD EXTÉRIEUR CAROLINE DENOS

Ce solo de danse a été diffusé grâce au bouche-à-oreille : en 2022 à la soirée « Soli » organisé par l’école des Pieds Nus au Mac Orlan à Brest (c’est dans le cadre de ce dispositif « Soli » que ce solo est né), en 2023 au festival Décadanse au Mac Orlan à Brest, à La Cassette à Aubervilliers lors d’une journée sur la performance sonore, au festival des Petites Planches à Douarnenez, et en 2024 pendant la Semaine des Arts du groupe scolaire Javouhey à Brest.
Date:
18/12/2022.